Depuis 2020, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) est l’organisme chargé de réguler l’ensemble du secteur des jeux d’argent et de hasard en France. Créée pour répondre aux enjeux modernes du marché du jeu (explosion du numérique, multiplication des opérateurs, protection des joueurs) l’ANJ s’impose aujourd’hui comme un acteur central, à la fois garant du respect de la loi, de la sécurité des pratiques et de la lutte contre les dérives.
Dans cet article, nous allons comprendre ce qu’est l’ANJ, quelles sont ses missions, ses pouvoirs, ses limites, et pourquoi elle joue un rôle essentiel dans un secteur aussi sensible que celui des jeux d’argent.
Qu’est-ce que l’ANJ ?
L’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) est une autorité administrative indépendante (AAI) créée par l’ordonnance du 2 octobre 2019, remplaçant l’ancienne ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne). Elle est opérationnelle depuis le 22 juin 2020.
Son objectif principal est de réguler tous les types de jeux d’argent autorisés en France, à l’exception des jeux de casino qui restent partiellement encadrés par le ministère de l’Intérieur pour certains aspects liés à la sécurité et à la réglementation physique.
Pourquoi avoir créé l’ANJ ?
Avant la création de l’ANJ, le marché français des jeux d’argent était éclaté entre plusieurs autorités :
- L’ARJEL s’occupait exclusivement des jeux en ligne.
- Le ministère de l’Intérieur supervisait les casinos physiques.
- Le ministère de l’Agriculture gérait les paris hippiques via le PMU.
- Le ministère du Budget encadrait la Française des Jeux (FDJ) et les loteries.
Cette fragmentation empêchait une vision globale, entravait la lutte contre les dérives, et rendait difficile l’adaptation à un marché en pleine mutation numérique.
La création de l’ANJ visait donc à unifier la régulation, renforcer la cohérence des politiques publiques, et garantir un meilleur encadrement de l’offre de jeu, notamment en ligne.
Quelles sont les missions de l’ANJ ?
La loi confie à l’ANJ quatre missions principales, qui structurent l’ensemble de ses actions.
Protéger les joueurs et prévenir l’addiction
L’ANJ veille à ce que les opérateurs mettent en place des dispositifs de prévention du jeu excessif, comme les plafonds de dépôt, les alertes en cas de comportement à risque, et des outils d’auto-exclusion accessibles à tous. Elle vérifie également que les mineurs ne peuvent pas jouer, et que les messages de prévention sont bien visibles sur les supports de communication.
Garantir l’intégrité et la transparence des jeux
Elle contrôle le fonctionnement technique des plateformes, homologue les algorithmes, et lutte activement contre les risques de fraude, de triche, ou de blanchiment d’argent. Elle réalise régulièrement des audits pour s’assurer de la fiabilité et de la sincérité des jeux proposés.
Veiller à l’équilibre économique du marché
L’ANJ s’assure que l’offre de jeu reste diversifiée, maîtrisée et équilibrée. Elle examine les stratégies commerciales des opérateurs, leurs nouveaux produits, et veille à éviter une concentration excessive sur certains types de jeux, comme les jeux de grattage.
Lutter contre l’offre illégale
Elle détecte et agit contre les sites non agréés, accessibles depuis la France sans autorisation. Elle peut engager des procédures judiciaires pour obtenir leur blocage ou leur déréférencement, et coopère avec les fournisseurs d’accès à internet et les moteurs de recherche pour faire retirer les contenus illégaux.
Qui l’ANJ régule-t-elle ?
L’ANJ supervise trois grands types d’opérateurs :
Les opérateurs agréés en ligne
- Sites de paris sportifs.
- Paris hippiques.
- Poker en ligne.
Tous doivent obtenir un agrément ANJ avant de proposer leurs services en France.
Les opérateurs sous droits exclusifs
- Française des Jeux (FDJ) : loteries, jeux de grattage, etc.
- PMU : paris hippiques physiques.
Même si ces opérateurs ont un monopole partiel, leurs jeux, stratégies publicitaires et dispositifs de prévention doivent être validés par l’ANJ.
Les casinos et clubs de jeux terrestres
L’ANJ ne régule pas directement les casinos physiques, mais elle supervise la publicité, la prévention du jeu excessif et les mesures d’auto-exclusion les concernant.
Quels sont les pouvoirs de l’ANJ ?
L’ANJ n’est pas une simple autorité de conseil. Elle dispose de véritables pouvoirs de régulation, de contrôle et de sanction :
Elle peut accorder ou retirer des agréments, valider ou refuser les jeux proposés, contrôler les systèmes informatiques, ou encore exiger des modifications dans les pratiques commerciales des opérateurs.
Elle a aussi le pouvoir d’engager des procédures administratives ou judiciaires, d’imposer des amendes pouvant atteindre plusieurs millions d’euros, et même de bloquer l’accès à des sites illégaux.
Son rôle s’étend également à la régulation de la publicité. Elle peut censurer ou interdire une campagne jugée trop incitative, notamment si elle cible les jeunes ou banalise les risques. Elle édicte des règles strictes en matière de communication, comme l’obligation d’afficher des messages de prévention ou l’interdiction de toute promesse de gain facile.
Quels outils de prévention pour les joueurs ?
La protection des joueurs est au cœur de l’action de l’ANJ. Elle supervise plusieurs dispositifs de prévention, accessibles gratuitement.
Le plus connu est le fichier national d’auto-exclusion, qui permet à toute personne de se faire interdire d’accès aux jeux en ligne et aux casinos physiques, pour une durée minimale de six mois.
Elle propose également Evalujeu, une plateforme d’auto-évaluation anonyme, qui permet aux joueurs de faire le point sur leurs habitudes de jeu et d’être orientés en cas de risque identifié.
Enfin, l’ANJ veille à l’encadrement des bonus et promotions. Elle limite les offres commerciales agressives, notamment les bonus de bienvenue trop généreux, susceptibles d’encourager un jeu excessif.
Quels sont les défis de l’ANJ ?
Le jeu en ligne connaît une croissance exponentielle, notamment chez les jeunes adultes. Les paris sportifs explosent, portés par les réseaux sociaux et les influenceurs. De nouvelles formes de jeu apparaissent, comme les loot boxes, les NFT, ou les crypto‑jeux, brouillant les frontières entre jeu, divertissement et investissement.
Face à cette mutation rapide, l’ANJ doit adapter ses méthodes. Elle mène une veille technologique active, renforce sa coopération européenne, et appelle à une législation plus moderne pour encadrer ces nouveaux formats.
Autre défi majeur : la pression publicitaire. De plus en plus massive, elle touche des publics jeunes, parfois vulnérables. L’ANJ a déjà mis en demeure plusieurs opérateurs pour des campagnes jugées excessives, et milite pour un cadre publicitaire plus strict.
Enfin, la lutte contre les sites illégaux reste difficile. De nombreux sites étrangers continuent d’opérer en France en contournant la législation. L’ANJ demande des moyens renforcés pour agir plus rapidement et plus efficacement.
Quelques chiffres clés sur l’ANJ (2024)
- 17 opérateurs agréés en ligne.
- 31 milliards d’euros misés en ligne en 2023.
- 1,5 million de joueurs actifs par trimestre.
- Plus de 200 sites illégaux bloqués depuis 2020.
- Près de 40 000 personnes auto‑exclues via le fichier national.
Conclusion
L’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) est aujourd’hui le cœur du système de régulation des jeux d’argent en France. Elle dispose d’un pouvoir étendu, mais doit aussi faire face à des défis considérables : explosion du jeu en ligne, publicité omniprésente, et apparition de nouveaux risques liés au numérique.
Sa mission, plus que jamais, est de trouver un juste équilibre : permettre aux Français de jouer librement, tout en les protégeant efficacement des risques de dépendance, de fraude ou de pratiques illégales.



